Au sujet des révisions à la Loi sur la radiodiffusion

Les dernières révisions à la Loi sur la radiodiffusion datent de 1991. Et bien que l'Internet était bien loin de la plupart de nos pensées à cette époque, la loi avait été rédigée de manière à ce qu'elle puisse s'adapter aux changements technologiques à venir.

Cette version de 1991 permettait au CRTC d'encadrer des plateformes d'écoute en continu comme Netflix, mais le CRTC a décidé qu'il laisserait passer cette occasion. Le résultat de ce laisser-aller? Les Disney+, Netflix et Spotify de ce monde ont empoché des milliards de dollars sur notre territoire sans la moindre obligation de réinvestir en production canadienne.

Les nouvelles révisions récemment proposées par le ministre Guilbeault ont pour but d'éliminer toute ambiguïté et de faire en sorte que les diffuseurs numériques étrangers qui font affaire sur notre territoire soient assujettis à nos lois, mais elles ratent leur cible. Voici ce que nous en pensons.

La Loi sur la radiodiffusion révisée

Les plateformes en ligne pourront continuer de faire rayonner le discours haineux

Le projet de loi offre une nouvelle définition de contrôle de la programmation, qui signifie maintenant « contrôle exercé sur le choix des émissions en vue de leur transmission », et qui stipule que les entreprises de médias sociaux ne sont pas responsables pour tout contenu qu'ils hébergent si ce contenu est créé par des utilisateurs.

Clairement, le fonctionnement des algorithmes des médias sociaux n'a pas été compris, car ils servent précisément à exercer un contrôle sur ce qui est diffusé.

Grâce à cette clause stupéfiante, le projet de loi insinue que Facebook sera libre de diffuser des horreurs comme la tuerie de Christchurch et que YouTube pourra recommander des vidéos de décapitation à ses utilisateurs sans conséquences légales au Canada. Les AMIS s'opposent farouchement à ce que notre gouvernement permette à ces compagnies de continuer de faire des profits sur notre territoire grâce à la publication de contenus haineux et illégaux.

Une incitation au moindre effort

La nouvelle Loi sur la radiodiffusion donnerait au CRTC le mandat de négocier des ententes avec tous les diffuseurs – qu'ils soient en ligne ou hors ligne – sans préciser de seuils minimums à respecter en ce qui concerne le financement de contenus canadien et francophone. Donc, alors que des entreprises médiatiques traditionnelles comme Bell doivent réinvestir quelques 30% de leurs revenus en création de contenu original canadien, les lobbyistes de Netflix peuvent espérer arriver à une entente beaucoup plus accommmodante. Cette situation poussera Bell et ses semblables à négocier un assouplissement des exigences à leur tour, et une course au moins offrant s'en suivra.

La loi renouvelée diminuerait aussi l'importance d'inclure nos créateurs.trices, artistes et artisan·es dans le processus de production de contenu.

Notre souveraineté culturelle est menacée

Il s'agit probablement de l'aspect le plus inquiétant du projet de loi.

De multiples passage de la version précédente de la Loi sur la radiodiffusion ont été élagués, faisant en sorte que les obligations des diffuseurs face à notre culture seraient significativement amoindries.

En voici un exemple. La version de 1991 de la loi stipulait que « toutes les entreprises de radiodiffusion sont tenues de faire appel au maximum, et dans tous les cas au moins de manière prédominante, aux ressources — créatrices et autres — canadiennes pour la création et la présentation de leur programmation ». La potentielle nouvelle version révisée indique que les diffuseurs n'ont besoin de faire appel aux ressources canadienne « dans la mesure appropriée ».

Bref, ce que ces modifications représentent pour notre souveraineté culturelle est inquiétant.

Radio-Canada est exclue du projet de loi

Le rapport Yale formulait un certain nombre de recommandations concernant Radio-Canada, notamment celles voulant que :

Radio-Canada élimine la publicité de toutes ses plateformes d’ici cinq ans;
Le gouvernement fournisse un financement accru, stable et à long terme par tranches de cinq ans pour accroître l’indépendance de la SRC;
L’indépendance du conseil d’administration de Radio-Canada soit inscrite dans la loi.

Malheureusement, elles ne sont pas reflétées dans le projet de loi du ministre Guilbeault. Le gouvernement libéral a promis à maintes reprises qu'il renforcerait les services locaux de Radio-Canada. Ces promesses semblent être restées lettre morte, et il en va de même pour le financement de la SRC, de son indépendance et tout ce qui a trait au respect de son mandat.

Veuillez cliquer ici pour consulter le projet de loi dans son entièreté.

Intervenants clés

Steven Guilbeault

Ministre du Patrimoine canadien

Le mandat de Steven Guilbeault inclut la Société Radio-Canada, les institutions culturelles canadiennes, ainsi que la mise à jour de la Loi sur la radiodiffusion, sa plus importante révision depuis 1991.

Les géants du Web

Aussi connus sous l'acronyme GAFA (pour Google, Amazon, Facebook et Apple), ces entreprises milliardaires étrangères sont parmi les plus rentables au monde. Ottawa leur a accordé des passe-droits pendant des années, leur permettant de contourner notre système de taxation d'éviter de contribuer à notre culture.

Facebook, YouTube, Pornhub

Les plateformes en ligne comme Facebook, YouTube et Pornhub ont la réputation de faciliter la propagation de contenus haineux et illégaux, qui présentent un réel danger pour les individus et nos communautés.

Les plateformes d'écoute en continu

Contrairement à leurs compétiteurs canadiens, les plateformes étrangères d'écoute en continu comme Netflix, Disney+ et Spotify peuvent faire affaire au pays sans être obligées de contribuer à la création et à la diffusion de contenu canadien.

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